La langue maternelle est parfois considérée comme acquise, un patrimoine transmis dès les premières histoires, les premiers mots, les premières comptines. Pourtant, pour beaucoup, elle est absente, une trace invisible, provoquant ainsi un sentiment de culpabilité ou de honte. Oublier sa langue maternelle, ce n’est pas uniquement perdre des mots, c’est aussi perdre un lien intime avec soi, sa famille, sa culture. Dans cet article, nous abordons l'ambivalence entre la honte et la culpabilité que cet oubli fait naître.
Ne pas parler sa langue maternelle peut susciter une gêne difficile à exprimer. Pour certains, c’est un manque discret alors que pour d’autres, c’est une véritable blessure intérieure. On se sent coupable de n’avoir pas appris, pas transmis ou pas protéger ce trésor. Le malaise est d’autant plus difficile à vivre quand il se heurte au regard de la famille ou de la communauté : "Tu ne parles pas ta langue ?" La question anodine résonne amèrement.
La langue n’est pas seulement un moyen de communiquer. C’est aussi un médium d’émotions, de mimiques et d’histoires. La perdre, c’est parfois avoir le sentiment de se couper de ses attaches, de ne plus être tout à fait "légitime" dans son identité. Cette honte déborde souvent du cadre personnel. En effet, elle s’enracine dans une histoire et une société. Que ce soit par l’immigration ou la scolarisation, nombreux sont ceux qui ont grandi dans des contextes où leur langue maternelle a été reléguée au second plan. Ce silence transmis devient un poids à porter en soi.
Cependant, au lieu de se cacher derrière cette honte, on peut la sublimer. Donner une place à sa langue maternelle, même modeste, c’est déjà résister. On peut aussi choisir de la léguer à ses enfants, de la faire vivre en parlant d’elle autour de soi, de la réapprendre patiemment. Il ne s’agit pas de combler un "manque" mais de retrouver un lien vivant avec ce que l’on a cru perdre.
Oublier sa langue natale, c’est une histoire inachevée mais pas immuable. À tout moment de son existence, on peut établir ou rétablir un lien avec elle et ainsi révéler un aspect méconnu de sa propre personne. On ne doit pas se décourager, car chaque effort, aussi imparfait soit-il, constitue un avancement vers la reconquête et la réconciliation avec une facette de son identité.